"Pff ça ressemble à rien !" Qui n'a jamais laissé échapper cette expression, à brûle-pourpoint, devant une grande toile bleue sur laquelle auraient été jetées des tâches de couleur rouge et blanche?
C'est en visitant le Tate Modern, plus grand musée d'art moderne et contemporain londonien, que j'ai commencé à vraiment m'interroger sur toutes ces œuvres qui n'éveillaient en moi qu'une grande perplexité. Certes le cubisme, l'abstrait et autre fauvisme ont marqué d'une empreinte indélébile et certaine l'histoire culturelle de notre monde actuel, mais il n'empêche qu'il est toujours autant adoré et toujours autant haï. En gros, on l'aime ou on le déteste. Mais une chose est sûre : il ne nous laisse jamais indifférent....
Et sans cesse une question se pose : l'artiste se moque t-il de nous ou sommes-nous trop étriqués d'esprit pour comprendre quoi que ce soit? Car si l'art moderne est parfois esthétique, très souvent on ne peut s'empêcher de penser qu'un enfant de 4 ans pourrait faire mieux. Alors, à quoi sert dans ce cas, d'admirer ou d'acheter une toile, que l'on pourrait peindre nous-mêmes ? On est tous bouche bée devant la finesse d'un portrait de De Vinci et tout le monde s'accorde à le qualifier de génie. Dans ce cas, faudrait-il définir l'artiste comme celui qui est doué pour réaliser quelque chose, que le commun des mortels ne pourrait pas ? Sujet très philosophique.
En essayant de déchiffrer une immense toile remplie de points de toutes les couleurs, je me demandais s'il fallait s'attarder sur le côté "beau de la chose" ou si, comme pour une personne, il fallait ne pas juger au premier regard et voir derrière les apparences? Comme dans les relations humaines, faut-il en présence d'une oeuvre contemporaine apprendre à la côtoyer, à la déchiffrer et à l'apprivoiser pour l'aimer?
Et toutes mes réflexions se sont arrêtées net en voyant deux couches de parpaings empilés, sorte de terrasse avortée. L'auteur a t-il réellement cherché à me faire passer un message? Alors oui, peut être est-il le premier à avoir eu l'idée et le courage de détourner cet objet de la vie courante et à l'exposer dans un musée, mais tout de même. Les maçons font cela tous les jours et on n'appelle pas cela de l'art pour autant. Ce qui ne fut pas sans me rappeler, Marcel Duchamp et son fameux urinoir en porcelaine signé d'un "R Mutt", considéré comme l'œuvre la plus controversée du siècle dernier. Un scandale qui a eu un mérite: celui de faire connaître son auteur. Les peintres et sculpteurs chercheraient-ils donc tout simplement à se démarquer et à attirer notre attention? Un peu dans la même veine que certains créateurs de mode qui n'ont réussi à percer qu'en proposant des choses importables et complètement loufoques, mais somme toute, originales.
A l'heure où tout a été inventé et où il ne reste plus beaucoup de place à la nouveauté, il faut sans cesse se renouveler et chercher l'idée que n'aurait pas eue un autre. Une surenchère qui peut stimuler la création mais aussi pousser les limites du mauvais goût, toujours plus loin. Comme le Piss Christ, d'Andres Serrano, qui a photographié un crucifix baignant dans son urine et son sang. Une façon de dénoncer notre société imparfaite et de faire parler de soi. Puisqu'on le sait, il n'y a rien de plus efficace qu'un scandale pour attirer les feux des projecteurs.
Autre argument, les "classiques" ne faisaient que reproduire des objets, des personnes, des événements alors que les modernes chercheraient eux à créer quelque chose de neuf. Quelque chose qui n'existe que dans nos imaginaires ou nos rêves...