Il n’y a rien à faire, c’est plus fort qu’eux ! Il est de bon ton pour les critiques culturels de disqualifier les chanteurs populaires.
Pour preuve, ce lundi 03 décembre 2012, sur le plateau de La Matinale de CANAL PLUS, alors que Gilles Delafon fait le portrait du nouveau Président du Mexique, M. Enrique PENA NIETO, et où il indique que ce dernier écoute régulièrement Céline Dion et le groupe suédois ABBA, la chroniqueuse culture, Oriane Jeancourt, lance « Il est juste un peu ringard ! ». Voilà, la messe est dite ; si on apprécie ces artistes, et bien de bon matin, il n’est pas 8 heures, on est des ringards !
Mais il faut pousser la réflexion plus loin et se demander pourquoi ce jugement toujours négatif sur ce qui plait à un large public, la chanson populaire ?
Avoir une belle voix est-il suspect ? L’absence de voix est certainement un gage de sérieux pour ces critiques et les voix puissantes doivent être réservées au répertoire classique. Il y a aurait comme un déclassement artistique : de la voix, c’est pour l’opéra, sinon on échoue dans la chanson populaire, beaucoup moins classe !
Vendre des millions d’albums, remplir des salles de milliers de personnes, non ce n’est pas artistiquement correct ! Mieux vaut des chanteurs qui font des concerts dans des arrière-boutiques et surtout dont les gains ne soient pas éclatants. Le nec plus ultra pour ces bonnes paroles culturelles, c’est le mythe de l’artiste fauché ! Il ne faut surtout pas étaler sa richesse, c’est indécent. Évidemment, les luxueuses résidences de Céline Dion ne sont pas pour la réconcilier avec l’élite de la culture, il faut la jouer discrétion…
Enfin, il faut avoir, pour plaire aux critiques, un lourd passé et un présent de dépressif. Cela fait bien d’avoir un air tourmenté, comme si on portait tout le malheur de la planète sur de fragiles épaules, être sur le fil du rasoir entre folie et créativité suprême ! Céline Dion qui est issue d’une famille très modeste de 14 enfants, aurait pu avoir cette crédibilité d’enfant déshéritée mais malheur pour elle, elle respire la joie de vivre, et son enthousiasme transcende tout son être ! Alors là, mauvaise pioche, c’est intolérable de voir quelqu’un d’aussi authentique et pour les critiques, elle est trop sincère pour être honnête !
Et puis dernier argument, le plus percutant, le texte des chansons ! Ah oui, pour les critiques, tout se résume à cela. Car la musique passe souvent au second plan, certains n’ont d’ailleurs plus qu’un filet de sons qui entoure leurs paroles. Alors, on assiste à un grand spectacle d’hypocrisie. Les mots qui se succèdent, qui s’enchevêtrent et qui ne veulent plus rien dire mais qui donnent l’impression que c’est du lourd, ah voilà le grand art. Car ce qu’on oublie trop souvent n’est pas Georges Brassens, Jacques Prévert et bien d’autres, qui veut !
Mais il arrive que des chanteurs populaires acquièrent cette respectabilité avec l’âge ou dans une mort arrivée trop tôt ! Combien de chanteurs populaires ont été décriés à leurs débuts et puis comme le bon vieux qui se bonifie avec l’âge, ils entrent dans le patrimoine culturel …
Si nous étions aussi cruels que ces chroniqueurs méprisant le public des chanteurs populaires, on pourrait aussi balancer qu’être critique culturel, n’est-ce pas l’aveu d’un échec ? Faute d’avoir réussi une carrière d’écrivain, de compositeur ou autre, on se rabat sur la critique et là, on s’octroie le droit d’éduquer le public inculte et ringard !